Catégories
Fémincide Statement

Les femmes âgées, victimes ignorées des féminicides

Elle avait 79 ans, elle habitait à Sierre. On ne connaît pas son nom. Sa voisine la décrit comme une personne douce et souriante. Le 21 mars 2023, son mari l’a tuée a coups de couteau.
Un “drame familial” selon le communiqué de la police. Un meurtre incompréhensible, c’était un homme “si gentil”, rapporte une voisine.
Ces meurtres sont pourtant le résultat d’une barbarie ordinaire, d’une violence systémique. Il ne s’agit pas de meurtres privés commis par des monstres mais de meurtres de masse, dont la responsabilité est collective.
Cette violence brutale n’a pas de limite d’âge et les féminicides de femmes âgées sont souvent ignorés ou minimisés. Pourtant les femmes âgées ont un risque élevé d’être concernées par des violences patriarcales, notamment en raison de l’isolement et de la dépendance financière envers leurs partenaire due à leur retraites plus faibles.
Cette violence n’est pas une fatalité ! Si le système patriarcal invisibilise les femmes âgées, cela ne les empêche pas de se mobiliser. Et quand les femmes âgées luttent aux côtés des jeunes femmes, des personnes trans et queer, le système patriarcal peut trembler.

Catégories
Fémincide Statement

Le patriarcat tue, la police aussi

Il y a 2 ans, le 19 mars 2021, Evangelista Mañón Moreno (Eli) a été tué à Bussigny par son compagnon. Il avait travaillé comme policier à Lausanne et il a utilisé son arme de service pour tuer Eli. Auparavant, il a signalé avoir peur de « faire une bêtise » avec l’arme, mais il n’a pas été pris au sérieux. Un policier qui tue, c’est inimaginable… ? Et pourtant, cela arrive bien trop souvent !

Nous sommes encore sous le choc après le quadruple féminicide à Yverdon-les-Bains le 9 mars 2023. L’auteur n’a pas seulement tiré des balles sur Coralie, Alyssia, Madyson et Chelsey, ses trois filles et son ex-partenaire, il a aussi fait exploser la maison familiale. Plus rien ne devait rester de la vie de ces 4 femmes. L’auteur était un ex-gendarme.

Le deuxième féminicide commis par un policier en deux ans dans un canton pourtant pas si grand. Peut-on vraiment parler de hasard ? Eh ben, non. Le féminicide est une expression particulièrement extrême de ce que cela veut dire d’avoir été éduqué « comme un homme » en Suisse. Ne pas savoir affronter ses émotions autrement que par la violence, ne pas pouvoir chercher efficacement de l’aide, croire qu’il est légitime et de son droit de posséder les personnes avec qui on est en relation.

Propriété privée, vous avez dit ? En Suisse, aucun autre bien est aussi bien protégé. Les lois autorisent les tribunaux à punir une personne qui a volé le bien d’autrui bien plus sévèrement qu’une personne qui a ôté la vie, et ils le font avec une systématique effrayante. La mission de la police est souvent décrite comme la défense de l’État de droit. Pas étonnant alors que dans un pays qui valorise autant la possession privée, les policiers aient un sens particulièrement développé de la possession. Ajoutons à cela l’habitude de manier des armes à feu, d’utiliser la violence, la camaraderie et l’entre-soi des copains qui vont vous rappeler constamment ce qu’est un « vrai homme », l’impunité des policiers violents (critiqués par de nombreuses ONG ainsi que des organisations internationales).

Notre État est aussi patriarcal, c’est-à-dire qu’il est a été conçu sur le modèle d’une famille avec un patriarche à la tête et qu’il définit ce cadre de vie comme la norme. Des nombreuses lois comme par exemple les lois sur les impôts ou le droit de famille en vigueur en témoignent encore. La femme comme subordonnée à l’homme : la police comme bras armé de l’État et comme garante de l’ordre public et des bonnes mœurs comme définis par les lois, défend aussi cette vision du couple.

Il est important de se rappeler des histoires d’Eli, Coralie, Alyssia, Madyson et Chelsey. Elles sont mortes à cause du patriarcat mais aussi à cause de la police en tant qu’institution.

Catégories
Fémincide Statement

Un quadruple meurtre n’est pas un drame familial

Jeudi dernier, cinq personnes ont été retrouvées mortes dans une maison incendiée à Yverdon-les-Bains. Hier, la police cantonale vaudoise a communiqué que toutes les personnes avaient des blessures de balles et qu’une arme à feu a été retrouvé à côté du père. Dans son communiqué, la police écrit qu’elle « privilégie l’hypothèse d’un drame familial qui se serait produit à huis clos ». Tous les articles de presse parus à ce jour ont repris ce terme…

Les trois filles ont vécu jusqu’à 5, 9 et 13 ans, la femme jusqu’à 40 ans. Très probablement, elles ont été tuées une par une par leur père ou ex-partenaire. Un drame assurément, mais pas un « drame familial » !

« Drame familial » laisse entendre qu’il s’agissait d’un événement qui s’est produit à l’interne de la famille, à la maison, dans le domaine privé. Mais la violence domestique a toujours une composante sociale (les circonstances sociales qui mènent une personne à utiliser la violence ; ce que nous apprenons dans notre société sur comment vivre nos relations et nos ruptures ; la violence comme partie constituante de la socialisation d’être un homme) et elle nous concerne tous et toutexs !

Cela fait trop longtemps déjà que la violence faites aux femmes* est traitée comme une affaire privée, comme quelque chose que les deux personnes concernées devraient régler entre elles. En continuant d’utiliser ou d’accepter des termes comme « drame familial », nous normalisons cette violence et la rendons possible. Le quadruple féminicide d’Yverdon-les-Bains nous rappelle extrêmement dramatiquement que nous ne devons pas fermer les yeux.

Il n’y a pas de « drames familiaux », il n’y a que de la violence qui nous concerne tous et toutexs et que nous devons combattre ensemble, de manière solidaire et déterminée !

Catégories
Action Fémincide

Coralie, Alyssia, Madyson et Chelsey

Vous ne serez pas oubliées !

Banderole posée à Yverdon-les-Bains
Banderole posée à Berne
Catégories
Action

Réunion ouverte

Du groupe Bienne – Jura

Catégories
Action Fémincide

En mémoire de la première victime d’un féminicide en 2023

Catégories
Action International

Solidarité féministe internationale

Soutien direct aux victimes du tremblement de terre au Kurdistan

Catégories
Statement

Critique de la nouvelle stratégie d’aide aux victimes du canton de Berne

En novembre 2022, le Conseil-exécutif du canton de Berne a adopté la stratégie cantonale d’aide aux victimes 2023-2033. Dès la procédure de consultation, le document stratégique a fait l’objet de critiques massives de la part de services spécialisés. Nous aussi, nous critiquons la stratégie pour les raisons suivantes :


1 Mesures racistes et classistes
Les mesures proposées ne sont pas assez axées sur les besoins des personnes concernées, en mettant plutôt l’accent sur les auteurs∙trices de violence migrant∙es. La stratégie d’aide aux victimes est ainsi détournée au profit d’une politique de migration et d’asile raciste sans renforcer les personnes touchées par la violence. De même, la proposition de réduire l’aide sociale aux agresseurs∙euses comme moyen répressif ne constitue pas une stratégie efficace pour lutter contre la violence patriarcale, mais crée une inégalité de traitement des agresseur∙euses en fonction de leur origine de classe. De plus, dans certains cas, la réduction de l’aide sociale ne punit pas seulement l’auteur∙trice de la violence, mais aussi la personne concernée par la violence, qui peut se trouver dans une relation de dépendance avec l’auteur∙trice.


2 Logique binaire
Toute la stratégie d’aide aux victimes est exclusivement orientée sur les femmes et les filles. De nombreuses personnes touchées par la violence patriarcale sont ainsi rendues invisibles et exclues des offres de protection. Une stratégie d’aide aux victimes devrait inclure toutes les personnes TINFA (TINFA= trans, inter, non-binaire, féminin, agenre). Les personnes trans et les personnes non-binaires sont particulièrement exposées à la discrimination et à la violence dans la société patriarcale et hétéronormative dans laquelle nous vivons – pourtant, la plupart des « lieux de protection » ne leur sont pas accessibles.


3 Suppression de structures de soutien
Une stratégie d’aide aux victimes devrait être orientée sur les personnes concernées : les offres devraient être axées sur leurs besoins et être à bas seuil. La suppression prévue de structures existantes (p. ex. la fermeture du site de l’Oberland bernois, le fait de rendre impossible l’ouverture d’un foyer pour filles) et le manque de volonté d’allouer des fonds suffisants restreignent massivement l’accès à des offres à bas seuil. Et ce, alors que le nombre de personnes concernées n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années.


4 Inversion auteur-victime
La stratégie prévoit que les victimes de violence ayant de faibles connaissances de la langue allemande puissent être obligées d’acquérir des « compétences linguistiques ». Il s’agit là d’une inversion classique et discriminatoire des auteur∙trices et des victimes. En revanche, la stratégie omet les éléments les plus importants dans le conseil aux victimes, à savoirs qu’il s’agit de conseiller des personnes traumatisées, ce qui nécessite du temps et une attention particulière, et la nécessité de s’assurer de la sécurité des personnes concernées.


Cette critique concerne spécifiquement la stratégie d’aide aux victimes 2023-2033. Nous estimons important qu’il existe aujourd’hui des offres d’aide fonctionnelles, accessibles et le moins discriminatoires possibles pour les personnes touchées par la violence patriarcale. En outre, nous estimons que des perspectives révolutionnaires et une critique fondamentale de l’État capitaliste et bourgeois sont nécessaires. Car la violence patriarcale se base sur des structures patriarcales ayant également une dimension étatique et institutionnelle. L’État et ses institutions comme la police et le système judiciaire ne garantiront jamais la sécurité de toutes les personnes face à la violence patriarcale et raciste et ne contribueront surtout pas à mettre fin à la violence patriarcale.

Au lieu de compter sur les politicien∙nes, la police, les juges et d’autres complices du patriarcat, nous devons formuler et obtenir par la lutte nos propres solutions et projets de société, basés sur la communauté, l’aide mutuelle, le soutien réciproque et la solidarité.

Catégories
Statement

Bravo, mais non merci !

Le 15 janvier passé, Christophe Moreau a été arrêté par la police et placé en détention provisoire à Porrentruy. Les fans de cyclisme le connaissent notamment pour avoir fini en 4ème place du Tour de France en 2000. Il y a deux semaines, il a menacé de tuer son ex-partenaire et ses deux filles.

En 2019, la police jurassienne a ignoré les nombreux appels à l’aide de la part de Mélanie et de son entourage. Mélanie a été tuée par son ex-partenaire le 21 octobre 2019 à Courfaivre. Par la suite, l’Association Mél a vu le jour pour amener au grand jour la question des violences faites au femmes et des féminicides.

La réaction rapide et décidée de la part de la police et de la justice jurassienne est peut-être due au fait que l’ex-partenaire de Christophe Moreau est une personnalité influente et connue dans le canton de Jura, mais l’engagement de l’Association Mel a sans doute joué un rôle important aussi.

Nous souhaitons que la société toute entière nous défende, plutôt que de devoir faire appel à la police et à la justice, mais en attendant que cela soit le cas, nous saluons le signal envoyé par les autorités jurassiennes à tous les hommes violents.

La police et la justice sont des instances qui, historiquement, ont été mis en place pour défendre un ordre dans lequel certaines catégories de personnes détiennent le pouvoir au détriment des autres. Ces dernières ont logiquement peu de chances à être entendues quand elles font appel à la police ou à la justice. De plus, la soumission des « femmes » étant nécessaire au bon fonctionnement du système que défendent la police et la justice, ces deux instances ne sont, en fin de compte, pas là pour garantir nos droits et notre bien-être.

Apprenons à nous défendre nous-mêmes. Soyons solidaires entre nous et condamnons fermement et publiquement chaque acte de violence. Pour qu’un jour, nous n’ayons plus besoin d’autres personnes pour défendre notre vie et notre liberté !  

Catégories
Statement

Revue de livre

Nos pères, nos frères, nos amis – Un livre à ne pas lire

Le sous-titre « Dans la tête des hommes violents » dit déjà tout, pourtant j’avais l’espoir de trouver un peu plus qu’un simple récit de ce qui peut bien se passer dans la tête d’un homme qui exerce de la violence sur une femme (oui, oui, le livre est aussi binaire que cela). L’auteur étant un journaliste, il maîtrise bien le story-telling et tout à coup je me retrouve captivée par ce livre. Pourtant, à chaque fois que je le pose, je me sens mal à l’aise et plus nous avançons dans la lecture, plus nous commençons à avoir des doutes si je ne suis pas en train de perdre mon temps. Je tiens bon et arrivée à la dernière page, je conclus : effectivement, ce livre ne vaut pas la peine d’être lu, à moins que vous soyez masochiste. Les noooombreux récits du point de vue des « hommes violents » contraignent la lectrice à ressentir une empathie que je ne veux pas avoir et pour une personne ayant été confrontée à la violence masculine, ce livre est simplement douloureux à lire. Ces manières de justifier la violence et de donner la responsabilité à « la femme », je les ai entendues de vive voix – et chaque fois était une de trop. Mais peut-être que l’auteur du livre a tout simplement compris que c’est beaucoup plus vendeur quand ce sont des hommes qui parlent… même si la teneur en information de ce qu’ils disent est proche de zéro.

Pour vous éviter de devoir passer par le même déplaisir de lecture, voici ce livre en résumé : l’auteur commence à s’intéresser à la question de la violence masculine, intègre des groupes de parole d’hommes violents et nous retranscrit leurs paroles sur 200 pages. Le tout ponctué de deux extraits de livres de Virginie Despentes (enfin, je respire un peu !) et de l’avis de quelques psychologues et expert-es, qui nous expliquent que les hommes sont violents et les femmes provoquent cette violence et la subissent sans jamais partir, car elles et ils ont été contaminé-es par la violence dans leur enfance. L’auteur donne également la parole à une psychanalyste qui nous raconte que si elle doit faire une expertise d’un homme violent, elle demande à rencontrer sa mère car « il y a souvent un rapport incestueux » (si vous aviez encore besoin d’une preuve que la psychanalyse, c’est vraiment la merde, en voici une !) Après nous avoir infligé tant de récits détaillés de violences insupportables et des excuses lamentables et misogynes que les mecs se racontent, l’auteur arrive à la conclusion que cette « épidémie » de violence n’a pas d’autre solution que de mieux éduquer les enfants.

En gros, le seul moment où ce livre touche un peu le puck, c’est quand l’auteur décrit son étonnement face à la réalisation que les hommes violents ne sont pas des monstres mais « nos pères, nos frères, nos amis ». Étant donné que cette information-là se trouve déjà dans le titre, épargnez-vous le reste de la lecture de ce livre !  

Si maintenant vous vous demandez quel est notre position et de quel point de vue nous jugeons ce livre : donner autant de la place à la parole des hommes violents et à leurs justifications sans les remettre en question et de mettre autant en avant la (co-)responsabilité des femmes fait fortement penser au mouvement masculiniste qui essaie de camoufler la partie structurelle des violences sexistes en noyant le poisson dans une mer de larmes d’hommes. Pour nous ce n’est pas acceptable.

Au lieu de nous dire de mieux éduquer les enfants, l’auteur de ce livre aurait bien fait de questionner les socialisations menant à des comportements violents d’un côté et autodestructeurs de l’autre, de pointer du doigt les fondements économiques et culturels de la dépendance à l’autre et de l’impossibilité de partir d’une situation violente et de tout simplement dire qu’il est inacceptable d’exercer de la violence sur d’autres et que c’est de la responsabilité de l’auteur de violence de trouver une solution pour ne plus être violent.